Parce-que
tout ce qui m’intéresse se trouve
quelque part d’où l’on ne sait rien,
quelque part dans le moment précis, et
précieux du premier pas de l’enfant ; de
ses premiers mots ; du premier orage,
dont il fait semblant d’avoir peur ; de
ses premières révoltes ; ses premières
amours, dont il fait bien d’avoir peur ;
ses premiers liens avec la mort, qui
sont comme une évidence, un enchaînement
d’évidences, de brûlures ancestrales,
toutes ces choses que l’on sait que l’on
ne sait pas que l’on sait.
Je
veux parler de la mémoire dans tout ce
qu’elle nous permet d’oublier, ou plutôt
de ce qu’il reste après l’oubli : une
infinité de savoir désordonné,
innommable ; une sensation du Big Bang,
de l’atome, de la plante, de la bête, de
l’humain.
L’humain,
que l’enfant que nous sommes a goûté
dans nos corps, d’abord avec le regard
aimant porté sur nos parents,
notre famille, nos amis, puis le
coups de poignard de la désillusion
quand on regarde au loin, et qui donne à
l’enfant ses airs de cruauté.
Là
où j’en suis : dévasté, comme tout le
monde, le silence fait place à la
mémoire.
Parfois
je me souviens que c’est le moment de
vivre, alors je l’écris, puis je le
chante.
Quant
à la musique, qui tient du même mystère,
si la rencontre du guitariste Brunoï
Zarn, docteur ès foudre, qui
officie avec moi au sein du groupe BOUCAN,
du violoniste Mathieu Werchowski,
éleveur d’étoiles, du batteur Laurent
Paris, sculpteur de rêves, de
moi-même, enfant millénaire, fut une
évidence. Le sorcier Oz Fritz
(Tom Waits, Bill Laswell…) qui a mixé
l’album en Californie avec une pincée de
bave de crapaud, quelques cheveux d’ange
et beaucoup de savoir faire, fit à
nouveau une belle démonstration de son
sens de la magie.
L’alchimie
a ses secrets que la mémoire ignore, et
j'ai la sensation que les chansons
sortent toutes seules, qu'il suffit de
lever le petit doigt pour que la terre
tremble, qu’il n'y a plus qu'à lâcher
les chiens...pour que les chiens
s’amusent.
IMBERT
IMBERT